La Syrie est sans nul doute sur le bord de l’abime et les jours, même s’ils deviennent des mois, de Bachar Al Assad sont comptés. Les rebels-révolutionnaires et les pays et communautés qui les supportent crieront certainement victoire et se déclareront prêts à s’atteler à la reconstruction d’un pays complètement ravagé quand Al Assad quittera le pouvoir ou en sera éjecté.
Les perspectives auraient pu être lumineuses s’il n’y eut un nouvel élément qui laisse plutôt prévoir un sombre avenir pour ce pays qui fut longtemps le berceau de la grande dynastie des Omeyyades ayant dirigé un vaste empire musulman. C’est l’émergence de Jabhat al-Nusra qui est apparu dès janvier 2012 et qui vient de déclarer son allégeance à la branche d’Al-Qaïda en Irak, dont le chef Abou Bakr al-Baghdadi a reconnu avoir accordé un soutien humain et financier à Al Nusra et élaboré avec ses membres des plans de travail.
Les dirigeants de la Coalition nationale semblent minimiser le rôle que ce front pourra jouer dans la Syrie de l’après Bachar et ne pas prendre au sérieux les avertissements lancés par certains experts quant au risque de voir ces mouvements islamistes s’approprier les fruits de la lutte pour la démocratie et les détourner à leur propre profit.
Le front al-Nusra, qui a gagné en notoriété après avoir été inclus en décembre dernier par Washington sur la liste des organisations terroristes internationales, a revendiqué plusieurs attentats perpétrés en Syrie, y compris à Damas. Ces attentats ont conforté le régime en place qui n’a pas cessé de clamer que les fomenteurs de trouble ne sont autres que des terroristes à la solde d’Al Qaeda, une nébuleuse que ce même régime aurait aidé à s’installer en Irak lors de l’invasion américaine.
Maintenant si les buts immédiats recherchés par les militants du front, dont certains auraient combattu en Afghanistan et en Irak, rejoignent ceux des autres révolutionnaires et de l’Armée syrienne libre (ASL), c.a.d. un changement de régime dans le pays, les objectifs lointains ne sont guère similaires. En effet si les seconds proclament vouloir instaurer un régime présidentiel démocratique, les premiers ne cachent pas que leur objectif principal est d’instaurer un Etat islamique.
Les experts craignent donc une lutte sans merci entre les deux groupes une fois banni le régime Bachar. Quant au citoyen syrien normal, qui se sent délaissé à son triste sort, il ne peut qu’en vouloir au régime dont l’entêtement à céder à la pression de la rue a embrasé la situation, aux deux groupes qui n’arrivent pas à sortir le pays du bourbier, et à la communauté internationale dont les tergiversations entre choix militaire et choix politique donnent du temps au régime encore en place et à toutes les parties impliquées pour faire encore plus de morts, plus de réfugiés et plus de déplacés.
Toutefois, après la montée au créneau des Islamistes, certains estiment que les embargos imposés à la livraison des armes aux insurgés sont totalement justifiés pour empêcher que ces armes ne finissent entre les mains d’Al Qaeda et de ses franchises. Mais cet avis n’est pas partagé par tous, d’aucuns appréciant plutôt la participation de Jabhat al-Nusra dans la révolte contre Al Assad.
Un autre élément qui nourrit les craintes quant à l’après Bachar c’est le différend entre sunnites et chiites. Al Qaeda en Irak et Jabhat Al Nusra sont des groupes terroristes sunnites, alors que la secte alaouite d’al Assad est chiite. Et c’est ce même conflit qui ronge l’Irak depuis 2003.
Donc, il y a une forte probabilité pour que la Syrie de l’après Bachar sombre dans un chaos qui sera alimenté par les luttes entre les rebelles syriens-dont de nombreux anciens soldats et officiers ayant déserté- et Al-Qaïda.
Les choix s’offrant à la communauté internationale pour aider à l’installation d’un gouvernement syrien fort, capable de faire face à de multiples défis sur les plans de l’administration et la reconstruction du pays et sur le plan sécuritaire semblent limités, comme en témoignent les exemples de l’Iraq et de l’Afghanistan que ni l’Onu ni l’Otan n’ont pu pacifier. Mais il est certain que la Syrie d’après Assad aura besoin d’assistance pour se reconstruire et pour combattre Al Qaeda et la menace terroriste qu’elle incarne.