La précarité énergétique, un terme forgé il y a une vingtaine d’année mais peu utilisé, est de plus en plus rencontrée aussi bien dans les médias que dans les études sociologiques, dans les rapports sur le développement humain que dans les discours officiels. Mais si cette précarité, malgré son importance, passe au second plan dans les pays chauds, dans les pays froids, comme en Europe, son incidence est bien ressentie.
D’après les estimations, entre 50 et 125 millions d’Européens seraient touchés par la précarité énergétique. En cas de basses températures, la facture d’électricité d’un foyer modeste monte vite à 400 ou 500 euros par mois, ce qui n’est guère supportable par les petits salaires.
En France, l’enquête logement menée en 2006, donc avant les prémices de la crise financière internationale qui a secoué le monde quelque deux ans plus tard et qui a allongé la liste des chômeurs et des foyers en précarité sociale, a révélé qu’entre 4 et 5 millions de ménages sont en situation de précarité énergétique.
D’après l’étude, ce nombre était appelé à croître de manière aussi constante et soutenue que le prix des énergies et le phénomène de précarité énergétique allait sûrement s’aggraver.
Toujours en France, quelque 300.000 foyers ont recours aux services sociaux qui les aident à régler leur facture énergétique, une aide publique qui s’élève à 150 millions d’euros et qui enregistre une hausse de 15 % par an.
Bien que le revenu par tête d’habitant en Suisse s’élève à plus de $83,000 il y existe des ménages, particulièrement ceux formés par les personnes âgées, qui souffrent de cette forme de précarité car leurs retraites, souvent bien minces, ne peuvent répondre aux fortes variations du prix du gaz.
D’après Le Groupe d’Action Energies, une association à but non lucratif qui permet aux particuliers de se rencontrer afin de réduire de manière efficace et pratique leur consommation d’Energie, sont en précarité énergétique « les foyers et les particuliers qui éprouvent des difficultés à se chauffer ou qui s’endettent pour maintenir une température correcte dans leurs logements. »
« Tout ménage qui dépense au moins 10 % de ses revenus pour régler ses factures d’énergie est comptabilisé comme souffrant de précarité énergétique, » souligne l’association.
L’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a publié une contribution de deux chercheurs, Lucas Chancel et Mathieu Saujot, au débat sur la transition énergétique consacrée à la précarité énergétique où il est souligné que la dernière décennie a vu s’accroitre les inégalités de revenus, et par conséquent les inégalités d’effort énergétique.
D’après ces chercheurs, « les ménages modestes consomment, en moyenne, moins d’énergie que les ménages aisés. Les dépenses totales en énergie (transport individuel et logement) des 20 % des ménages les plus pauvres s’élevait à 1 800 € par an en 2005 contre 3 100 € pour les 20 % les plus riches. »
Cependant lorsque l’on rapporte les dépenses en énergie au budget des ménages, on observe que le taux d’effort, c’est-à-dire la part de l’énergie dans le budget total, est d’autant plus élevé que le revenu est faible. Les ménages aisés consomment moins en proportion de leur revenu en général. Il en découle que les catégories les plus modestes sont celles qui sont le plus touchées, en proportion de leur revenu, par les hausses des prix de l’énergie.
Certains pays comme la Belgique ont mis en place ce que l’on appelle le « fournisseur social» qui approvisionne les « mauvais payeurs » qui ne peuvent plus s’abonner chez les distributeurs se trouvant sur le marché. Mais d’après les consommateurs qui ont été acculés à y avoir recours, ce fournisseur applique le tarif le plus cher du marché.
Il y a aussi le système des « compteurs à budget », une sorte de cartes de consommation prépayées pour l’électricité et pour le gaz. Donc, dès que le solde est épuisé, l’approvisionnement s’arrête. Le client ne peut donc pas s’endetter, mais là encore, les tarifs seraient plus élevés que ceux pratiqués par les fournisseurs privés.
Les associations qui tirent la sonnette d’alarme sur la progression de la précarité énergétique, soulignent que cette situation entraine des conséquences multiples sur le confort matériel, sanitaire et moral des citoyens. Ces associations expliquent que les ménages en situation précaire puisent souvent dans les budgets dédiés à des besoins tout aussi importants comme le logement, l’alimentation, l’éducation, la santé etc… pour payer les factures d’électricité et de gaz.
Sans parler du fait que ces ménages vivent souvent dans des logements mal chauffés, donc humides et malsains, ils ont un sentiment d’injustice et une vie sociale difficile, avertissent ces associations.
La précarité énergétique n’est donc pas une question d’avoir froid seulement mais peut avoir des conséquences sociales très graves. L’enjeu est donc de taille !