Le temps politique s’est subitement emballé lundi en Egypte, avec l’annonce coup sur coup de décisions qui portent aux nues l’homme fort du pays, le général Abdel Fattah Sissi, promu maréchal, puis poussé par l’armée à briguer une présidence de la république quasiment acquise d’avance.
La veille, le président par intérim Adli Mansour avait déblayé le terrain devant le désormais maréchal Sissi, au lendemain des violences meurtrières qui ont marqué les journées des 24 et 25 janvier. Le troisième anniversaire de la chute de Moubarak avait été émaillé d’affrontements qui ont fait une cinquantaine de morts et des centaines de blessés, faisant planer la menace d’une grave dégradation de la situation sécuritaire dans le pays. Les accrochages ont été sans concession entre, d’une part, les partisans du président islamiste Mohamed Morsi, renversé par le coup d’Etat de juillet 2013 et maintenu en détention depuis, et d’autre part, les forces de sécurité et les foules acquises au maréchal.
C’est dans ce contexte de profond clivage de la société égyptienne que l’actuel président intérimaire Adli Mansour a annoncé l’inversion du calendrier électoral, qui avait été fixé au lendemain de la déposition du président islamiste Mohamed Morsi, proche des Frères musulmans. Ainsi, les élections législatives seront reportées jusqu’après l’élection présidentielle, laquelle est programmée pour avril 2014. Un chamboulement qui traduit l’empressement du maréchal Sissi de prendre en main les rênes du pouvoir, avec l’objectif affiché de faire face aux graves menaces de déstabilisation de l’Egypte.
Les groupes islamistes extrémistes ont en effet multiplié les attaques contre l’armée et les forces de l’ordre, faisant plusieurs dizaines de tués parmi les militaires et les policiers en quelques mois. Les attentats et les embuscades tendues aux forces de sécurité ne se limitent plus seulement au désert du Sinaï. Les violences se sont étendues au Caire et aux autres grandes villes du pays, qui sont désormais la cible des attaques des jihadistes. La dernière victime de cette vague extrémiste est un général de police, tué ce mardi au Caire par des inconnus qui ont tiré sur lui au moment où il quittait son domicile.
Aujourd’hui, trois ans après la révolution de janvier 2011 qui a renversé Hosni Moubarak, une partie de l’Egypte fait de nouveau appel aux militaires. Mais dans les faits, l’armée n’a jamais quitté le pouvoir en Egypte depuis l’abolition de la monarchie en 1952, à l’exception du court intermède d’une année, entre l’été 2012 et 2013, suite à l’élection de l’islamiste Mohamed Morsi.